DE NOUVELLES OPPORTUNITÉS AVEC LES PHOSPHOLIPIDES
Constituants cellulaires et actifs originaux
Les phospholipides sont connus pour être des constituants de base des membranes cellulaires. Par leur diversité et leur répartition, ils sont des acteurs incontournables de la régulation du fonctionnement membranaire.
Ils sont aussi des vecteurs privilégiés pour certains nutriments qu’ils transportent au travers de barrières, qu’elle soit intestinale dans le cas de la choline, ou hémato-encéphalique dans le cas des acides gras polyinsaturés et particulièrement du DHA.
Depuis la découverte de leur rôle d’émulsifiant lors de la digestion, les recherches ont progressivement mis en évidence l’implication des phospholipides dans la régulation et le maintien de fonctions indispensables au fonctionnement de l’organisme.
Leur statut de constituants élémentaires et de vecteurs confère aux phospholipides des voies d’action originales, le plus souvent différentes et complémentaires de celles autres actifs. Et les propriétés les mieux documentées ont donné lieu à des développements et des formulations multiples dans le secteur des compléments alimentaires.
Au-delà des applications existantes, il existe encore des opportunités de développement basées sur des propriétés encore sous-exploitées des phospholipides.
Les applications les mieux connues des phospholipides
Bien que les phospholipides puissent être synthétisés par l’organisme, il est reconnu que l’alimentation constitue une source indispensable de nos apports. La lécithine granulée représente la forme la plus simple de supplémentation en phospholipides, elle est présente depuis longtemps sur le marché des produits diététiques.
Le secteur des compléments alimentaires met lui aussi à profit les propriétés des phospholipides dans ses formulations en utilisant des fractions enrichies en un phospholipide particulier.
Ces effets ont été décrits en détails dans les éditions antérieures du guide A à Z (voir les années 2014 à 2016).
- La phosphatidylcholine
Premier des phospholipides décrit par les chimistes, la phosphatidylcholine est encore aujourd’hui associée à la lécithine pour ses propriétés émulsifiantes. Du point de vue nutritionnel, elle est à l’origine des effets hypotriglycéridémiant et hypocholestérolémiant liés à la consommation régulière de lécithine sous forme de granulés.
La phosphatidylcholine est aussi un vecteur très efficace de choline, indispensable au métabolisme du foie et des reins pour lesquels elle constitue la seule forme de réserve en choline.
- La phosphatidylsérine
La phosphatidylsérine est typiquement un phospholipide d’origine animale, particulièrement concentrée dans le cerveau qui contient à lui seul la moitié de la phosphatidylsérine du corps.
La teneur du cerveau en phosphatidylsérine diminue au cours du vieillissement, en parallèle avec la diminution des performances cérébrales. Il est possible de compenser cette diminution par un apport alimentaire, et de ralentir l’altération de la mémoire.
- L’acide phosphatidique
Les apports conjoints d’acide phosphatidique et de phosphatidylsérine exercent des effets positifs sur la gestion du stress, permettant de limiter son intensité sans pour autant bloquer totalement cette réaction biologique normale de l’organisme, bénéfique tant qu’elle reste dans des limites maîtrisées.
Ces effets ont été évalués par rapport aux niveaux de cortisol salivaire et d’ACTH circulante, deux marqueurs reconnus comme étant des indicateurs du niveau de stress.
De nouvelles opportunités de développement
- Syndrome prémenstruel : exploiter la synergie entre acide phosphatidique et phosphatidylsérine
Si l’acide phosphatidique et la phosphatidylsérine ont une action positive sur la gestion du stress, ils peuvent aussi être utilisés pour atténuer les manifestations du syndrome prémenstruel. Une étude clinique récente réalisée sur 40 femmes contre placebo (Schmidt, 2018) a montré qu’un mélange de ces deux phospholipides améliore ces manifestations, à la fois physiques et psychologiques.
- La phosphatidylsérine au secours des enfants hyperactifs
Une étude a été menée en 2012 par Manor et al pendant 15 semaines sur 200 enfants hyperactifs souffrant de déficit de l’attention, un syndrome appelé ADHD par les anglo-Saxons pour Attention-Deficit Hyperactivity Disorder. Elle a montré qu’un mélange de phosphatidylsérine et d’acides gras oméga 3 permet d’améliorer le comportement des enfants recevant le traitement.
Hirayama et al (2013) ont ensuite montré qu’un apport journalier de 200 mg de phosphatidylsérine seule entraîne aussi une amélioration des symptômes de l’ADHD chez des enfants âgés de 4 à 14 ans.
- La phosphatidylsérine est nécessaire à la calcification osseuse
Dans une revue de la littérature publiée en 2009, Merolli et Santin rapportent les observations réalisées entre 1970 et 1980 aboutissant à la conclusion que la phosphatidylsérine est l’un des facteurs nécessaires au processus de minéralisation de l’os. Ces observations ont été mises à profit dans le domaine médical à partir de 1990 pour accélérer la colonisation de prothèses par de nouvelles structures osseuses en les recouvrant de phosphatidylsérine. Il a ensuite été montré sur un modèle animal que la phosphatidylsérine agit en ralentissant la différenciation des ostéoclastes, cellules responsables de la résorption osseuse (Wu, 2010). Ces travaux méritent d’être complétés, mais ils montrent que la phosphatidylsérine pourrait venir compléter l’action d’actifs comme la vitamine K2 pour améliorer la santé osseuse.
- De la phosphatidylcholine pour la protection des parois du tractus digestif
La phosphatidylcholine est un constituant essentiel du mucus qui protège les parois stomacale et intestinale. L’altération de ce mucus, par exemple sous l’effet de médicaments, entraîne des atteintes importantes des parois et l’apparition d’ulcères à l’estomac ou une augmentation de la perméabilité de l’intestin.
L’apport de phosphatidylcholine, de façon concomitante avec la substance médicamenteuse ou en traitement curatif, permet de réduire significativement ces atteintes (Bjarnasson, 2018 – Stremmel, 2012). Si les doses d’apport thérapeutiques utilisées en traitement aigu de maladie sont de l’ordre de 2 g de phosphatidylcholine / jour, il peut être envisagé de se référer à des doses plus nutritionnelles dans le cadre d’une action de prévention via les compléments alimentaires.
- Acide phosphatidique et augmentation de la masse musculaire
Des travaux récents permettent de proposer l’utilisation de l’acide phosphatidique dans les compléments alimentaires pour sportifs en vue d’accélérer la prise de muscle. Cette opportunité est basée sur deux études publiées en 2012 et 2014 montrant que l’acide phosphatidique apporté par voie alimentaire augmente la prise de masse musculaire et la force chez des sportifs entraînés.
L’acide phosphatidique intervient ici en activant la famille de gènes mTOR impliqués dans la synthèse des fibres musculaires. Il constitue dans ce cas un complément aux acides aminés apportés en grandes quantités chez certains sportifs et optimise leur utilisation. Ces éléments sont décrits dans une revue de la littérature publiée par Bond en 2017.
- Améliorer les performances sportives et la récupération grâce aux phospholipides
Les applications sportives des phospholipides constituent un domaine déjà bien argumenté qui reste encore sous-exploité. Des études scientifiques ont permis de montrer que la phosphatidylsérine et la phosphatidylcholine sont consommées lors d’efforts de longue durée et que leur concentration circulante chute de façon importante au cours de ce type d’effort. Cette diminution peut être prévenue par un apport alimentaire durant les semaines qui précèdent une épreuve.
Le maintien de la teneur en phosphatidylcholine permet d’assurer un apport constant de choline aux muscles lors de l’effort et ralentit la formation d’acide lactique à l’origine de la survenue des crampes. L’optimisation de la phase de récupération est encore plus marquée avec un apport de DHA lié à la phosphatidylcholine grâce à une meilleure oxygénation des muscles.
Une supplémentation préventive en phosphatidylsérine, qui voit elle-aussi sa teneur circulante chuter au cours d’un effort, permet de repousser la fatigue et facilite la récupération tout en participant à améliorer les paramètres mentaux (concentration et temps de réaction) chez les sportifs.
Bibliographie
– Schmidt K. et al, Clinical Nutrition ESPEN (20418) in press
– Manor I. et al, European Psychiatry 27 (2012) 335–342
– Hirayama S. et al, Journal of Human Nutrition and Dietetics 27 (2014) 284-291
– Merolli A. et al, Molecules 14 (2009) 5367–5381
– Wu Z. et al, The Journal of Immunology 184 (2010) 3191-3201
– Bjarnasson I. et al, Gastroenterology 154 (2018) 500-514
– Stremmel W. et al, Digestive Disease 30 (2012) 85-91
– Bond P., Nutrition & Metabolism 14 (2017) 12-21
